monSaclay.fr a interviewé Gérard Bardy un saclaysien du Val d’Albian qui vient de publier Les moines-soldats du Général
l’extraordinaire histoire inédit des 15 religieux qui refusèrent de suivre l’épiscopat français à Vichy en 40 et qui s’engagèrent derrière de Gaulle. Ces quinze héros, dont trois sont morts au combat, ont tous été faits Compagnons de la Libération. Deux ont été faits « Juste parmi les nations » par Israël.
D’où vous est venue l’idée d’écrire leur histoire ?
Avant d’écrire « Charles le Catholique – de Gaulle et l’Eglise », paru en novembre 2011 chez Plon, j’ai travaillé pendant deux ans dans les fonds d’archives publics et privés pour établir la réalité des liens entre le Général et le catholicisme. De façon très rigoureuse, j’ai cherché à savoir si réellement, tout au long de sa vie d’homme, de soldat puis de chef d’Etat, de Gaulle avait toujours respecté les enseignements de l’Evangile. Ce fut un long travail, passionnant mais très compliqué.
C’est en étudiant les circonstances dans lesquelles de Gaulle avait créé l’Ordre de la Libération, en octobre 1940, pour récompenser les courageux soldats engagés dans la France Libre, que j’ai découvert, un peu par hasard, la présence de quinze religieux parmi les 1036 Compagnons. C’est à ce moment là que j’ai été bouleversé par le courage, l’héroïsme, le total don de soi de ces hommes d’Eglise engagés derrière de Gaulle (qu’ils ne connaissaient pas), autant pour sauver la France que pour défendre les valeurs d’une Europe chrétienne menacée par la barbarie nazie.
Comment avez-vous fait pour retracer leur parcours ?
Il y a parmi eux des prêtres diocésains mais surtout des jésuites, des Pères blancs missionnaires d’Afrique, des Spiritains, etc… J’ai donc commencé mes recherches dans les archives de l’Ordre de la Libération à Paris puis, ayant décidé de leur consacrer le livre qui vient de sortir (« Les moines-soldats du Général », Plon), j’ai poursuivi mes recherches dans les fonds d’archives des ordres religieux auxquels ils appartenaient. Parfois, j’ai aussi retrouvé des témoins survivants, des membres de leur famille. Ainsi j’ai pu retracer, chapitre après chapitre, la vie de ces quinze héros inconnus, de leur naissance à leur mort. Il s’agit de vies vraiment bouleversantes, d’une force inouïe, d’une incroyable beauté.
Alors que l’essentiel de l’épiscopat français se prosternait devant Pétain à Vichy (beaucoup d’évêques avaient été les camarades de combat du Maréchal en 14-18 et étaient respectueux du vainqueur de Verdun), beaucoup de membres du « bas clergé » s’étaient courageusement engagés. Mes quinze « moines-soldats » ont été de ceux-là. Pour leur courage, de Gaulle les a faits Compagnons de la Libération. C’est d’ailleurs ce qui les réunit dans ce livre. Il faut ajouter que trois sont morts au combat, notamment l’aumônier de la 2ème DB et celui de Bir Hackeim. Et que deux ont été faits « Juste parmi les Nations » par Israël pour avoir sauvé des centaines d’enfants juifs.
Quelle résonance pensez-vous que ce récit va trouver aujourd’hui ?
On dit notre société individualiste. C’est hélas souvent vrai. Alors, sortir ces héros inconnus de l’oubli, faire connaître ces exemples de patriotisme, de courage et de dévouement, passer le message aux générations habituées à voir de faux « héros » fabriqués en trois jours à la télévision, tout cela a pour moi un sens. On ne pas déplorer sans cesse une absence de repères et de valeurs sans montrer, face à ce constat, des vies exemplaires comme celle des « moines-soldats ». Mais il faudrait aussi mettre en valeur les gens – plus nombreux qu’on ne le dit – qui aujourd’hui font le bien autour d’eux, se consacrent aux autres, sont solidaires. On aimerait bien une ou deux émissions de télé sur eux, chaque mois. Plus encore dans cette période de crise, mettons en valeur le beau, le bon et le bien.
Quel enseignement en avez-vous personnellement retiré ?
L’enseignement que j’en tire est qu’il faut toujours être modeste quand on revisite l’histoire. Il est de bon ton actuellement de reprocher à l’Eglise son absence de courage face aux lois de Vichy. C’est devenu une sorte de thèse portée par la pensée unique. Rien n’est plus faux. Si certains évêques ont manqué terriblement de lucidité et de courage – c’est incontestable et grave -, de très nombreux prêtres de paroisse, de religieux et de religieuses ont fait preuve d’un courage remarquable, en sauvant des juifs, en cachant des résistants, en prenant des risques énormes. Mes quinze « moines-soldats » en sont une illustration. Gardons-nous donc de laisser réécrire l’Histoire par des gens qui la manipulent à des fins partisanes !
Apres la lecture de votre livre, qu’aimeriez-vous que le lecteur en retire, en une phrase ?
Que la France est un grand pays, capable d’un vrai sursaut quand l’essentiel est en danger. Qu’elle mérite des hommes politiques de très haut niveau, capables de conduire le peuple hors des ornières en lui fixant un cap. Qu’elle doit marier de façon harmonieuse et positive sa position historique de « fille aînée de l’Eglise » et de patrie des Droits de l’Homme, en prenant conscience que les valeurs évangéliques sont les mêmes que les valeurs humanistes qu’elles ont précédées.
Est-ce un livre « religieux », politique, d’histoire ?
Religieux et d’histoire: un peu les deux… Religieux car il raconte le parcours exceptionnel de quinze serviteurs de Dieu qui, comme de Gaulle, considéraient la France Libre comme une sorte de croisade. D’histoire car chaque petite biographie nous plonge dans une page de la Seconde guerre mondiale. Ce n’est pas un livre politique au sens partisan ou, moins encore, politicien. Je suis gaulliste et je n’oublie pas que de Gaulle était l’homme de la France et non pas l’homme d’un parti. Et que, pour redresser la France à la Libération, il a rassemblé tous les camps, y compris les communistes.
La religion est-elle importante pour vous ?
La religion n’est pas tout, mais elle est importante, pour les croyants bien sûr. Essentielle même pour certains dont la foi est très profonde. Nous vivons dans une République laïque et c’est très bien ainsi, mais chacun doit avoir le droit de croire librement, sans risquer d’être moqué comme le sont trop souvent les catholiques dans les médias. Croire n’est pas ringard. C’est donner du sens à sa vie, de la profondeur à sa relation aux autres, de la dimension à son parcours d’homme. Tout cela ne mérite-t-il pas le respect ?
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