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Conte à voix haute – Fable stellaire – 2/3

Déc 9, 2014

Comment vivaient nos Cradoks et nos Vigis, physiologiquement si semblables et sociologiquement si différents ?

La population Vigi était composée à 90% de citoyens ordinaires (que nous noterons V0 par commodité) avec 1% de super-citoyens (V+), discrets mais influents car ils étaient dépositaires de la sagesse de la nation, moteur du système social. Entre les V+ et les V0 œuvraient les médiateurs : 2% de représentants politiques (), 5% de cadres de la répartition du pain et du savoir (V%), et 1% d’acteurs de jeux et spectacles (V*).
La propriété immobilière et mobilière était permise, mais plafonnée. Les rémunérations étaient encadrées, calculées au mérite individuel ou au service rendu, ou en amortissement/renouvellement du patrimoine engagé.
L’organisation répartie des Vigis occupait beaucoup de monde. Elle n’était rendue économiquement viable que par la généralisation de coûteux habitats à bilan énergétique positif. Les transports devaient être limités, imposant la proximité urbaine et périurbaine avec les centres de production proportionnés (énergie, industrie, agriculture) et l’emploi de techniques avancées de télécommunication. Organisation viable aussi parce qu’aucun village n’était autorisé à rivaliser par une baisse agressive des coûts de production ou des droits et devoirs de tout un chacun.
D’un naturel heureux, les Vigis se soumettaient volontiers à la gestion rigoureuse de leur consommation et de leurs déchets, et jouissaient avec bonheur de la quasi gratuité des biens et services immatériels.

La population Cradok était, elle, composée à 99% de citoyens serfs (notés C0) et à 0,1% de seigneurs bourgeois (C+), discrets mais puissants car ils détenaient l’essentiel du capital, moteur du système économique. Entre les C+ et les C0, œuvraient 0,9% de médiateurs : bouffons politiques (), valets de la répartition du pain (C%), et ménestrels des jeux et spectacles (C*). Pour des raisons historiques, la répartition du savoir était encore assurée en grande partie par des C0 fonctionnaires mais le transfert des services publics vers les C% était en bonne voie.
Rémunérations et accession à toute propriété étaient entièrement libres. Enfin en droit, car en pratique, la main invisible des rapports de force les limitait pour certains, et aussi les brouzoufs (dollars, en vieil anglais) disponibles sur et sous la table.
L’activité des Cradoks était intense mais énergivore, car bien que denses et assez peu nombreuses, les termitières gigantesques étaient gourmandes à la fois pour leur construction (matériaux, engins, carburant), pour leur fonctionnement (chauffage, éclairage, machineries, carburant), et pour leur approvisionnement (intrants, machines, carburant). Carburant ? Une soif inextinguible : une ronde incessante de transports en tout genre effaçait l’éloignement entre les cités, et avec les lieux de production délocalisés par spécialité. Carburants carbonés solides, liquides, gazeux,  fossiles ou de synthèse,  aucune difficulté ni aucun risque n’arrêtait les pionniers prospecteurs : roche mère du manteau , fonds marins, végétation forestière et vivrière. La terre en tremblait, l’eau en vibrait, l’air en fumait : des colonnes d’industrieux C0 grouillaient, exploitant, échangeant, transformant les ressources naturelles qui semblaient inépuisables. Et les médiateurs biberonnaient tout le monde de nov-culture : Total se « committait » to better energy, Alstom Power Group turbinait l’électricité, BNP Paribas Real Estate promouvait des milliers de bureaux vides, Renault Retail Group vendait des automobiles … Et les 99% ramaient, et tous les 1% pompaient … Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Pour le mieux ? Enfin presque, car la croisière ne s’amusait plus tant que cela, les Cradoks avaient quelques soucis quand la main invisible avait des crampes. Les oligarques se déchiraient pour leurs profits, le saint principe de concurrence était bafoué par les monopoles , la production polluait, la consommation s’étiolait. Et trop de parasites plombaient la croissance : de plus en plus d’assistés (« redondants », comme disaient les anglo-saxons; chômeurs en vieux français) abandonnaient le salaire pour les allocations, certains travailleurs se disaient pauvres sans vouloir travailler plus, des migrants trustaient les sales boulots pour détourner les prestations sociales … Et des esprits chagrins, aux idées venues on ne sait d’où, cassaient la confiance en prédisant de futures catastrophes : énergie, alimentation, climat …

Les Vigis allaient ils se moderniser ? Les Cradoks allaient ils se révolter ? Suite au prochain épisode.

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2 Comments

  • Reply Conte à voix haute – Fable stellaire – 1/3 | monSaclay.fr Déc 13, 2014 at 13 décembre 2014 20:23

    […] ces deux nations disjointes vivaient elles leur disparité ? Nous vous le conterons dans un prochain numéro […]

  • Reply Conte à voix haute – Fable stellaire – 3/3 | monSaclay.fr Déc 13, 2014 at 13 décembre 2014 20:33

    […] Les Vigis ne cédaient pas facilement à la modernité, car ils savaient que mesurée à l’aune de leurs valeurs, toute nouveauté n’est pas progrès.. […]

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