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Vidéo : Rencontre avec François Bon écrivain résident sur le Plateau de Saclay

Nov 12, 2012
Francois Bon

Francois Bon

Le plateau de Saclay… Ses champs immenses, ses labos, écoles et ses entreprises.

Le plateau de Saclay pour François Bon c’est un lieu de résidence qu’il retrouve chaque jeudi pour rapprocher par ses rencontres puis unifier dans ses écrits deux univers : la littérature et la science.

J’avais proposé de retrouver François Bon à la gare de Massy. Il arrivait de Tours où il habite et devait rencontrer des chercheurs à l’institut d’optique. J’étais content de passer quelques instants seul en voiture avec François pour essayer de comprendre ce qu’un écrivain vient chercher sur notre plateau.

Pourquoi avoir accepté cette mission ? Qu’est-ce qui vous attire dans ce projet ?

La première fois qu’on m’a montré le Plateau de Saclay, dans l’idée de cette résidence, j’étais plutôt abasourdi : une suite de petites enclaves dispersées, pas de lieu pour se retrouver ou se restaurer (hors le Relais du «Christ de Saclay » où j’adore l’ambiance du midi), d’énormes distances d’un point à l’autre. Et puis, à mesure des rendez-vous, ou bien qu’on se familiarise avec tel ou tel point, qu’on le voit évoluer, un attachement. Je sais à quoi s’occupent les chercheurs du CEA, du Moulon, de l’INRIA….

Vous parlez de vous en disant que vous appartenez « à un monde disparu», est-ce ainsi que vous regardez les agriculteurs du Plateau ?

Dans mon livre, Autobiographie des objets je fais référence à des marqueurs de mon enfance qui se sont volatilisés (l’électrophone, la caméra Super 8, le transistor) et à la structure sociale d’une toute petite ville du Poitou, avant le temps des autoroutes. L’agriculture sur le plateau de Saclay a l’air en bonne santé et bien présente. Mais j’étais surtout en prise avec les chercheurs, et les projets urbanistiques.

Les terres du plateau sont les plus riches d’Ile de France, les écoles et les centres de recherches sont le fleuron de la France. Comment voyez-vous cohabiter ces deux mondes ?

Je vois un îlot contourné par la progression de l’hyperville, non pour ses qualités agricoles (magnifique expérience en cours de Gilles Clément sur la dépollution des sols), ni pour sa valeur historique (la villa romaine, les rigoles de Versailles, l’étang accaparé par les militaires du CEP), mais pour assurer à ces îlots de chercheur ce qu’on estimait nécessaire en terme d’isolement ou de secret. Ce qui valait il y a quelques décennies pour le CEA ou l’Onera et le CEP n’est plus justifié pour Thalès ou le synchrotron. Les vallées sursaturées de Palaiseau et des Ulis ne peuvent rester à l’écart. La question n’est pas de cette cohabitation, puisque déjà la ville s’installe sur le Plateau, mais quelle ville on y installe : une ville de propriétaires, classe moyenne aisée, comme sur les panneaux publicitaires, avec un « espace de vie » artificiel au milieu ? Et quelle politique pour un réappropriation de l’espace naturel, ce qui n’est pas la même chose que l’espace agricole ? La politique d’urbanisme à échelle du Plateau n’est pas apte à prendre le pas sur celle des communes. Derrière le centre de retraitement des déchets de Saclay-village, on voit encore se construire de ces parcs de bureaux derrière grillages et vigiles, avec des tas de panneaux « à louer » qui prouvent que ce n’était pas la bonne stratégie…

Le plateau de Saclay c’est une surface avec des petites iles

Francois Bon

Francois Bon

Qu’est-ce qui est « beau » pour vous dans le développement du plateau ?

Beauté de ces traces au passé : l’étang du CEP, certainement. Mais la vraie beauté est celle accumulée par les hommes – les labos de l’Orme des Merisiers ou du Moulon n’ont rien d’extraordinaire, mais ce que vous y racontent celles et ceux qui travaillent sur les archives du climat, sur la volcanologie, sur les amas de galaxie et la forme de l’univers, c’est réellement passionnant. Idem pour les recherches aéronautiques de l’Onera ou l’électronique civile de Thalès. On proposait à ces chercheurs un espace hors la ville, de l’espace autour – est-ce qu’on peut développer ce côté «hors du monde » de la pensée dans un environnement urbain laissé aux promoteurs immobiliers ?
 
Nombreux sont ceux qui regrettent que le plateau compte autant de cellules isolées où travaille chercheurs, entrepreneurs et même agriculteurs sans jamais se rencontrer les l’uns les autres, pensez-vous que votre travail contribue à tisser un lien ?

Chaque jeudi, depuis plusieurs mois, avec S[Cube], le bras culturel dela Communauté d’agglomération, je vais à la rencontre d’un chercheur. Ces rencontres sont mises en ligne sur le web, et ça se propage chaque fois de façon mystérieuse. Je ne peux que confirmer le constat : les chercheurs que nous rencontrons ne se connaissent pas, même dans des labos parfois à cent mètres de distance. Comment en serait-il autrement ? Le web est un outil majeur pour cela : un jour, je mets en ligne une photo du radome dans son enveloppe de ballon de foot, au-dessus de la ferme des Granges. Moins de deux jours après, nous recevions un message d’un des techniciens radar qui y travaillait, et un autre d’une enseignante d’Argenteuil qui avait passé 10 ans de son enfance dans la ferme. En même temps, mon propre objectif n’est pas là : plutôt sur le cloisonnement de la littérature et des sciences, qui commence au lycée, et pèse lourdement sur notre culture.

Demain, que sera le plateau de Saclay ?

Expérimentalement, l’hyperville (on n’est qu’à24 kilomètresde l’île dela Cité) tolère mal les îles qu’elle contourne, comme au jeu de Go. Les équipements scientifiques eux-mêmes ont tendance à migrer pour s’agrandir : le CEA à Cadarache, le synchrotron au CERN… Ce n’est pas mon job que de m’en mêler, mais essayez d’éviter la banalisation que serait un campus géant, mêlé de résidences qui laisseraient les pauvres en bas. L’invention de la ville ici n’est pas gagnée.
 
Que vous disent les chercheurs du plateau de Saclay ? Le connaissent-ils ?

Paradoxalement, et c’est peut-être dû aussi au non-renouvellement des personnels chercheurs, peu de doctorants qui soient intégrés dans les équipes, une paupérisation croissante des labos, qui doivent de plus en plus financer eux-mêmes leurs projets dans des logiques à court terme (en tout cas, on entend ça partout), beaucoup des chercheurs et personnels rencontrés habitent tout auprès du Plateau, à Palaiseau, Gif, Bure, Orsay, les Ulis, Bièvre… Actuellement, le Plateau c’est une suite raccourcis de routes à deux voies pour rentrer chez soi, mais c’est aussi le vélo du dimanche. Une autre surprise, ce sont ces cheminements piéton dans la frange de forêt, entre les stations successives du RER et ce qui les surplombe.
 
Que souhaitez-vous ajouter ?

Chaque fois que je traverse le Plateau, j’enrage encore de toutes ces zones interdites, auxquelles nul n’a accès, alors que chacune est dépositaire d’une petite partie des enjeux citoyens qui s’expriment à échelle de la communauté. Jamais vu une telle accumulation de grillages, barrières, vidéo-surveillance. Là aussi il y aurait sans doute à inventer.

Retrouver François Bon sur site site www.tierslivre.net

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